C O M M U N I T A S - Q U É B E C

La phase du vide et de la transcendance

 

Faire le vide réfère au processus de faire abstraction des barrières entravant la communication authentique, ces barrières que chacun échafaude dans son esprit, consciemment ou non. Tels des obstacles dans mon conscient ou de mon inconscient, ces barrières m’empêchent de reconsidérer certaines des perceptions de mon esprit sous un angle différent. Il me faut donc me vider des mes attentes, préconceptions, préjugés, idéologie, théologie et solutions de mon crû. Ainsi un esprit vraiment ouvert est aussi un esprit qui sait faire le vide. La fatigue peut provoquer le relâchement des barrières de l’ego 1, ce qui parfois amène à une expérience accidentelle du vide et de la communauté.

 
On peut définir les barrières les plus communes : 

   Les attentes et les préconceptions 2

La peur de l’inconnu amène les gens à imaginer d’avance ce qu’ils désireraient voir arriver, ou ce qui pourrait arriver ou encore, ils se font une idée, une conception d’avance, se rabattant sur ce qui est arrivé dans le passé, voire même sur une simple perception ce de qui est arrivé dans le passé. Nous essayons de faire en sorte que notre expérience se conforme à nos attentes, alors que la vie est ce qui nous arrive bien que nous ayons prévu autre chose 2

   Les préjugés 2

Les préjugés sont souvent inconscients. Un exemple de préjugé : les jugements que nous portons sur autrui sans même avoir quelque connaissance que ce soit d’eux. Une autre forme de préjugé s’installe quand elle se base sur un jugement d’autrui, mais cette fois fondée sur une connaissance brève et limitée des personnes. Le développement de la communauté requiert du temps, du temps pour acquérir suffisamment d’expérience au contact des autres, permettant ainsi de devenir conscient de nos préjugés, afin de pouvoir s’en vider 2

   Idéologie, théologie, et solutions 3

Parce que chaque personne a nécessairement une idéologie, une théologie ou d’autres connaissances et espérances différentes de celles de n’importe qui d’autre, que ce soit au point de vue compréhension, perception ou interprétation, il y aura la plupart du temps divergence entre les êtres humains. De plus, puisque la solution à un problème quelconque pour l’un n’est pas nécessairement la solution à ce même problème pour l’autre, il y aura aussi la plupart du temps divergence quant aux solutions qui conviennent à chacun d’entre nous. L’explication du « vide intérieur » n’implique cependant pas l’abandon pur et simple de nos sentiments et de nos connaissances durement acquises. Une distinction doit être effectuée entre « faire le vide » et oblitérer 3. Ainsi une personne peut garder son idéologie, sa théologie et ses solutions sans se faire un devoir de les imposer aux autres, sans désirer changer ou convertir celles des autres. Une expression anglaise exprimant cette notion est le « bracketing », que je pourrais rendre en français comme « la mise entre parenthèses ou en suspens » de mes convictions, croyances, opinions, etc.

   Le besoin de guérir, de convertir, de régler les problèmes des autres 4

Les tentatives de guérison, de conversion ou de résoudre les problèmes des autres sont la plupart du temps non seulement naïves et inefficaces, mais elles sont en plus égocentriques. Le motif le plus présent derrière le besoin de guérison de l’autre est celui de se sentir bien en soi-même. Au contraire il est reconnu que le meilleur de soi, face à un ami en peine, réside dans la communication de cette peine, dans la présence et dans l’accompagnement dans cette peine, même si nous n’avons rien d’autre à offrir que cette présence, même si être présent est douloureux pour nous-même 4

Il en ira de même pour le désir de convertir. Si votre théologie ou idéologie est différente de la mienne, cela remet en question la mienne. D’être incertain de ma propre compréhension de sujets aussi fondamentaux m’est très inconfortable. Si je vous convertis à ma façon de penser, non seulement cela me soulage de mon inconfort, mais cela prouve aussi et encore mieux la justesse de mes croyances pour finalement faire de moi votre sauveur ! Oh combien donc est-ce plus facile et agréable plutôt que de m’ouvrir à vous comprendre tel que vous êtes! 4 

C’est en entrant dans la phase du vide que les membres d’un groupe en développement finissent par réaliser, parfois brusquement, parfois graduellement, que leur désir de guérir, de convertir, et donc de trouver des solutions aux différences interpersonnelles est en fait un besoin égocentrique d’oblitérer ces différences. Alors, avec cette réalisation monte le sentiment qu’il y a peut-être un autre moyen d’agir, comme celui d’apprécier et de célébrer ces différences 5.  

   Le besoin de contrôler 5

Le besoin de contrôler, ce besoin de contrôle afin d’assurer les résultats escomptés, est partiellement ancré dans la peur de l’échec. Pour me vider de la tendance à tout contrôler, je dois continuellement être conscient, puis faire abstraction de cette peur de l’échec. Je dois  aussi concéder la possibilité réelle d’un échec. Paradoxalement alors, être un leader efficace exige que je me mette en retrait le plus souvent, ne faisant rien, attendant, laissant les évènements se produire 6. 

 


C’est ainsi que le processus de faire le vide en est un de sacrifice, de sacrifier ses propres besoins d’exercer un jugement, de tenter de guérir ou de convertir, de contrôler soit les autres soit les évènements. Et le sacrifice est douloureux 6. Le sacrifice est douloureux parce que c’est une forme d’agonie, l’agonie qui est nécessaire pour la renaissance. La seule façon d’arriver à la Communauté passe par le sacrifice à faire le vide et par le partage 7 des blessures

L’étape finale vers la communauté est celle de l’intégrité. C’est l’étape où le groupe doit choisir d’embrasser non seulement la clarté de la vie, mais aussi les aspects plus sombres de cette dernière. Une vraie communauté est joyeuse, mais en même temps elle est réaliste. La tristesse et la joie doivent être vues dans leur juste proportion 8

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NOTES : 

1 - page 35

2 - pages 95 & 96

3 - page 96

4 - page 97

5 - page s 97 & 98

6 - page 100

7 - « Partage » dans le sens Anglais de « Sharing »; voir Annexe « C » le mot « Échange » utilisé dans le même sens.

8 - page 102

 

 
 

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