SCHÈMES DE COMPORTEMENT EN GROUPE 1
La méthode expérimentale non structurée de développement de la communauté fait plus facilement ressortir les comportements de groupe. Dans son livre The Different Drum Scott Peck décrit les principaux schèmes, bien que d’autres existent aussi. Ces schèmes amènent les seules occasions où l’intervention d’un « leader » ou encore d’une personne expérimentée soit requise, à moins que le groupe ne soit suffisamment avancé pour que les membres interviennent eux-mêmes. Je reviendrais sur ce sujet dans le prochain chapitre.
La fuite
C’est en fait une façon d’éviter une tâche, une responsabilité, un devoir. Souvent, elle se manifeste dans un groupe qui démontre une forte tendance à éviter les questions et les problèmes difficiles. Au lieu de confronter ces questions et problèmes, le groupe cherchera à les éviter 2.
Cette fuite se matérialise aussi au cours du chaos, alors que le groupe essaie de fuir vers l’organisation plutôt que le vide intérieur 2; autre forme habituelle de fuite au cours du développement de la communauté : ignorer les émotions douloureuses 3.
Mais le processus d’éviter les questionnements et les problèmes peut aussi se matérialiser après qu’une vraie communauté ait été établie 4. Le groupe doit alors reprendre le processus de développement de la communauté afin de surmonter les barrières nouvellement érigées empêchant leur résolution.
La lutte
Lorsque les gens essaient se guérir et de se convertir les uns les autres, il se déclenche instantanément une lutte au sein du groupe 5. Le chaos en résulte.
C’est à ce moment que le travail du leader du développement de la communauté consiste à exposer au groupe que cette lutte l’empêche de mener à bien sa tâche; le leader doit aussi alors pointer vers une façon de trouver une solution à cette lutte 5. Nous ne pouvons, par nous-mêmes, guérir ou convertir les autres. Ce que nous pouvons faire c’est d’examiner nos propres motifs au plus profond de nous-mêmes. Plus nous examinons ceux-ci, plus nous nous libérerons de nos désirs de changer les autres et plus nous deviendrons capables et désireux de laisser les autres être eux-mêmes, créant ainsi une atmosphère de respect et de sécurité 6.
Un groupe en communauté peut aussi lutter. Par contre, dans une vraie communauté cette lutte passe par la créativité du vide, ce qui permet l’éventuel aboutissement à un consensus 6. La lutte qui peut surgir dans un groupe en communauté est différente par le respect qu’ont les antagonistes les uns des autres, par l’écoute attentive qui persiste et par la conscience de la transcendance des différences qu’ont les participants. On parle d’une lutte avec respect (Scott Peck : people fighting gracefully). Les conflits son inévitable, simplement parce que la nature des différences entre individus est telle qu’elle exacerbe forcément les tensions inhérentes à la communication. Si par exemple je connais votre sentiment anti-religieux, comment puis-je convoyer ma ferveur religieuse d’une manière neutre sans, à mes yeux, perdre ma propre intégrité?
Les cliques
Les alliances, conscientes ou inconscientes, entre deux ou plusieurs membres au sein d’un groupe risquent toujours d’interférer avec le développement de la communauté. Le problème des cliques peut être particulièrement intense dans les ateliers d’expérimentation de la communauté rassemblant des groupes de gens plutôt disparates 7, mais ayant des intérêts communs. Les cliques ne sont pas inclusives puisqu’une clique par définition exclut ceux qui n’en font pas partie, en vertu soit de leur non-conformité à certaines caractéristiques, soit tout simplement de la non acceptation d’un membre par les autres.
La dépendance
C’est la forme négative la plus dévastatrice pour le développement de la communauté. C’est aussi la condition la plus difficile, la plus pénible à combattre pour le leader du développement de la communauté. L’expérience du développement de la communauté est tout d’abord un processus expérimental impliquant une participation, et le plein engagement dans cette dernière. Une communauté ne peut exister quand les membres dépendent d’un leader pour les guider et pour porter leur responsabilité; chacun de ses membres n’a ni plus ni moins de responsabilité pour le succès de l’effort commun 8.
Avant d’être en communauté la plupart des membres d’un groupe ne comprennent pas que le leader ne soit pas autoritaire et ainsi alimentent du ressentiment face à lui en raison de sa passivité. Lors de la formation des facilitateurs de communauté, je leur répète maintes fois qu’ils doivent avoir la volonté et la capacité de « mourir » pour le groupe. Pour mener des gens à la communauté, un réel leader doit décourager leur dépendance, et parfois la seule façon d’achever ceci est de refuser de diriger 9.
Même un leader ayant une grande expérience dans le développement de la communauté ne peut, tout seul, par lui-même, directement ou indirectement, diriger un groupe de personnes vers la vraie communauté; un leader d’expérience, par contre, peut identifier pour le groupe les nombreuses directions qui ne mèneront pas à la communauté.
Atteindre la communauté exige que je me vide du besoin de parler, du besoin d’aider tout le temps, de celui de contrôle, du besoin d’être un « guru », du désir d’être vu comme le héro, des réponses rapides et faciles, de mes notions de prédilection 10, ceci s’appliquant aussi bien aux participants qu’aux facilitateurs.
Ceci étant dit, une intervention judicieuse peut aider les participants à discerner un schème de comportements, en l’identifiant et en le rendant évident, ou au moins apparent afin que le groupe puisse le considérer. Cette perspicacité fait partie de la consigne d’être « conscient de la vie du groupe comme un tout » au niveau de chaque individu; mais une telle conscience doit être expérimentée pour être apprise, d’où un apprentissage par atelier expérimental dans lequel des leaders formés prêtent leur aide : les facilitateurs.
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NOTES :