INTERVENTION DANS LES COMPORTEMENTS D'UN GROUPE 1
J’ai utilisé le terme « leader » par défaut à maintes reprises dans ce texte, tout en utilisant parfois le terme « facilitateur ». Scott Peck mentionne « Les communautés sont parfois vues comme des groupes sans leader, sans chef 2. » On a vu aussi que « une autre caractéristique essentielle d’une communauté est l’absence totale de centralisation de l’autorité 2 ». L’emploi du terme leader, de l’anglais « leader », n’est approprié que dans la notion de groupe où tous les membres sont « Leader » - Scott Peck utilise l’expression « A group of all leaders ». Puisque cette notion est une caractéristique fondamentale de la vraie communauté, qu’en est-il alors des « facilitateurs » ?
D’abord et avant tout, le facilitateur en développement de la communauté exerce la fonction de facilitation, définie ci-dessous, principalement dans le contexte d’ateliers expérimentaux.
La facilitation est un procédé particulier d’animation par lequel un groupe de personnes est accompagné dans le processus d’émergence de l’esprit de communauté. Le point est précis, ici : le facilitateur ne mène pas le développement, mais en favorisant de façon subtile l’émergence de l’esprit de communauté, il « facilite » le développement.
L’originalité de cette approche est de faire de cette émergence le but du groupe, en permettant l’établissement de relations authentiques et significatives entre ses membres. Ce résultat est vécu comme la présence d’un tout, que les membres peuvent qualifier de « Nous », dans lequel chacun se reconnaît et se sent reconnu. Le facilitateur crée des conditions et un contexte qui favorisent cette émergence d’esprit; il fournit pour cela des indications pour la communication dans le groupe, il soutient ce dernier dans sa progression, il évalue constamment et fournit la rétroaction nécessaire, toujours dans le contexte d’un atelier non didactique.
Généralement les facilitateurs fonctionnent en paire pour les groupes de plus de dix personnes, environ, sans que cela soit une règle absolue. Un trait important de la facilitation consiste dans le fait qu’ils ont appris à faire communauté et effectivement font communauté entre eux avant, pendant et après l’atelier. D’ailleurs, au sein d’un groupe, le facilitateur est aussi un participant, au même titre que tous les autres.
Dans le développement de la communauté, le facilitateur doit suivre une directive générale : celle qui stipule que ses interventions devraient se restreindre à l’interprétation des comportements du groupe plutôt que ceux des individus 3, ce qui n’est pas une règle absolue, un certain jugement devant être exercé. Il sera parfois nécessaire que le facilitateur s’attache au comportement d’un des membres individuels dans l’intérêt du groupe entier plutôt que celui de l’individu, surtout quand le comportement d’un individu interfère de façon évidente avec le développement de la communauté et que le groupe en tant que tel n’apparaît pas capable de confronter ce problème de comportement 4. Une des raisons qui rendent difficiles de telles interventions provient du fait qu’elles sont souvent nécessaires quand un individu ne comprend pas facilement le message 5 du groupe au sujet de son comportement.
Le but de telles interventions n’est pas de dire au groupe quoi faire ou quoi ne pas faire, mais bien de le sensibiliser à ces comportements. Une des conséquences de ce style de direction est d’enseigner aux membres du groupe de réfléchir en fonction du groupe dans son ensemble, de telle sorte que les participants apprennent à être conscients d’eux-mêmes comme une seule entité 6. Les facilitateurs sont formés notamment pour apprendre et identifier l’émergence ou non de cette caractéristique, appelée déjà « Esprit de communauté ». Ainsi les facilitateurs ou le leader choisi ne devraient intervenir que dans les seuls cas où les membres du groupe ne sont pas capables de le faire. Un groupe vraiment en communauté est parfaitement capable de régler ses propres problèmes de comportements sans avoir un leader (ou un ou des facilitateurs) désigné.
Une des tâches très difficiles pour un facilitateur consiste à discerner, continuellement, le juste temps à attendre avant de décider que le groupe n’est pas prêt à reconnaître le problème par lui-même 7.Cependant la tâche de confronter un membre malintentionné ne devrait pas incomber seulement au leader, mais bien relever du groupe en entier 8.
Finalement, la facilitation et les facilitateurs ne sont pas la clef du développement de la communauté. Seul le groupe détient ce pouvoir. Ce qu’un facilitateur expérimenté et sage doit réaliser a été évoqué dans cette citation succincte : « Au sujet de la facilitation. Je n’ai pas encore rencontré de facilitateur, ou encore de personne d’expérience avec la communauté, qui fasse état de ses services en tant que tel ainsi : « je peux garantir que le groupe n’atteindra pas l’esprit de communauté à cause de moi. » C’est là une vérité que personne ne veux savoir, mais à un certain niveau, pourtant, nous le savons » 9.
La facilitation d’un atelier de développement de la communauté est un exercice qui s’apprend. Aux États-unis, la Foundation for Community Encouragement (FCE) – Fondation pour l’encouragement de la communauté – en avait codifié une formation. Au Québec le Mouvement vers l’esprit communautaire – M.E.C. – s’est donné un programme de formation pour les facilitateurs; ce programme a pour but d’enseigner didactiquement et par expérience les compétences suivantes :
♦ Maintenir une qualité de présence (du facilitateur)
♦ Appliquer les indications du processus de développement de l’esprit de communauté
♦ Situer l’expérience du groupe dans le processus (de développement)
♦ Communiquer de façon empathique
♦ Gérer les situations difficiles
♦ Intervenir dans le processus de développement de l’esprit de communauté en mode structurant
♦ Intervenir dans le processus de développement de l’esprit de communauté en mode d’accompagnement
♦ Participer à titre personnel au processus de développement de l’esprit de communauté en position de facilitateur
♦ Animer les activités didactiques reliées au processus de développement de l’esprit de communauté (explications de départ, rétroaction de la fin d’un atelier, entre autres)
♦ Structurer les activités préparatoires et consécutives aux ateliers.
Une grande partie d’un tel apprentissage doit se faire par l’expérience. Aussi est-il pré-requis d’un aspirant facilitateur qu’il ait cumulé un certain nombre d’ateliers complets avant de débuter son entraînement. Le programme de formation inclut aussi en fin de course un stade d’apprenti au cours duquel le facilitateur nouvellement formé facilite obligatoirement plusieurs ateliers, accompagné d’un facilitateur chevronné.
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NOTES :
8 - Écrit par : "David Goff", Jeudi le 4 juin 2009 – sur le babillards électronique « Partners in Community Building »
9 - Le texte qui suit est tiré du Programme d’Études de la Facilitation en développement de l’esprit communautaire, 15 novembre 2006 préparé par les membres du cercle de la facilitation du M.E.C.