ANNEXE B
Quelques notions au sujet des valeur de l’Annexe A
Tout au long du développement de la communauté on rencontre des valeurs, certaines fondamentales, d’autres instrumentales, nécessaires au processus. Elles sont listées dans l’Annexe « A », mais cette liste ne saurait être exhaustive. Ce qui suit est une tentative de ma part afin de définir et interpréter ces valeurs (le tout dans le même ordre alphabétique que celui de l’Annexe « A »). Si une valeur est reliée à une autre, cela est indiqué dans le texte par un astérisque*.
Ces valeurs font aussi partie du domaine de la croissance spirituelle individuelle de l’être humain, donc leur importance va bien au-delà du développement de la communauté. Mais cette dernière ne peut se réaliser sans l’application d’une certaine manière et dans un certain agencement de ces valeurs.
Acceptation
L’acceptation, hormis son sens juridique, est une action de la condition humaine, visant à intégrer la réalité à la conscience. On parle d’acceptation du renoncement, l’acceptation d’autrui et d’acceptation de la lutte; mais ce ne doit jamais être de la résignation. L’acceptation dans la communauté est un acte conscient, donc volontaire, exécuté en connaissance de cause et surtout en intégrité avec les valeurs morales et spirituelles de la personne qui accepte.
L’acceptation peut aussi être l’acte de lâcher prise*; dans ce cas, l’acceptation vient plutôt du fait qu’une personne reconnaît et accepte de laisser tomber (renonce à) un préjugé, une préconception, un besoin de contrôle, bref une barrière à la communication authentique.
Accompagnement
Il s’agit d’un accompagnement moral et spirituel; cela signifie être présent (présence*) auprès d’une personne de façon attentive et observatrice; il n’y a pas besoin nécessairement de parler, mais d’écouter*, et de recevoir les silences* de cette personne. Accompagner signifie aussi communier* aux sentiments de l’autre. En communauté, le groupe entier accompagne chaque participant, pendant une prise de parole ainsi que le reste de temps, même durant le silence*. Accompagner, c’est aussi être prêt à recevoir la vulnérabilité* de l’autre.
Amour
Dans sa définition spirituelle classique. L’expression « communion intime avec l’univers » pour caractériser l’amour universel reprend l’étymologie du mot communiquer (communication*); c’est là que se situe la valeur pour la communauté : communion intime avec le groupe, donc avec tous et chacun.
Communication
C’est la valeur d’un acte de correspondance entre deux ou plusieurs personnes. Cet acte peut être verbal, écrit ou corporel; l’état de communauté requiert essentiellement l’acte verbal ou corporel (y compris le silence et le langage du corps), donc une présence physique; bien qu’à mon sens se soit très difficile, il n’est peut-être pas exclu de faire communauté par écrit.
La communication prend une valeur plus intègre quand on la qualifie d’authentique, de vraie. Il s’agit d’une communication personnelle, engagée, qui n’est plus entravée par la peur, les préjugées, la dissimulation derrière des masques, les prétentions; elle est honnête et elle se caractérise par le courage* de l’échange*, ouverture de soi vers les autres. La communication authentique requiert que la personne se rende vulnérable*.
Confidentialité
C’est une condition fondamentale que tous les groupes de support préconisent et encouragent. Elle requiert que lorsqu’on reçoive une communication de quelqu’un, on la garde pour soi uniquement. Il s’agit donc d’être discret. Cette valeur est renforcée par l’indication en communauté de « parler de soi » et non des autres. L’expression connue « ce qui se dit ici reste ici » lorsque mentionnée dans un groupe illustre bien la teneur de ce précepte. La notion de confidentialité est souvent jumelée avec celle de l’anonymat, comme dans les groupes Alcooliques Anonymes.
La confidentialité est une valeur essentielle pour sécuriser et ainsi encourager les gens à se rendre vulnérables et donc authentiques.
Consentement
Cette valeur est celle de l’action résultant du processus sociocratique (de la sociocratie) pour arriver à des décisions communes en groupe. Contrairement au consensus selon la définition moderne du dictionnaire, il n’y a ni majorité ni minorité avec un consentement, puisque tous les participants en arrivent éventuellement à se rallier unanimement à la décision finale. C’est le processus pour en arriver à un résultat qui diffère de l’élection ou la décision démocratique (une décision ou une élection sociocratique n’est pas le résultat d’un vote pur et simple). Voir aussi l'Annexe D.
Courage (personnel)
Malgré le confort de la confidentialité*, malgré l’écoute*, malgré l’empathie*, se rendre vulnérable est souvent difficile, souvent souffrant et requiert une bonne dose d’humilité*. Si ces conditions sont réunies, le courage moral reste la valeur la plus importante pour passer par-dessus les difficultés, les blessures et les souffrances vers la communication authentique.
Droit de parole
Plus qu’un droit humain, c’est celui de pouvoir s’exprimer sans être interrompu, certes, mais plus encore, celui d’être écouté avec respect – voir écoute* ci-dessous.
Échanges, échanger (partage, partager)
« La seule façon d’arriver à la Communauté passe par le sacrifice du vide et l’expression des blessures. » Exprimer, communiquer, quand cela est reçu avec empathie*, semble être un acte de renaissance, parfois très douloureux, mais presque toujours efficaces. Communiquer requiert généralement que la personne se rende vulnérable* et humble, c’est donc aussi un acte courageux (courage*).
L’échange est une technique qui montre une partie de soi que l’ont ne peut plus rétracter, laissant apparaître au grand jour notre vulnérabilité*; il est utilisée pour parler de soi, y compris des sentiments, des émotions vécus passées ou présentes, honnêtement, dans le seul but d’être écouté*, donc sans attente de jugements, de réponses, de tentatives de guérison ou de solutions amenées par les autres. Encore une fois, il s’agit d’une méthode utilisée par les groupes de support tels les Alcooliques Anonymes et Al-Anon, de façon systématique, mais libre. En effet, l’échange doit toujours être volontaire, sinon il risque d’être plutôt apparenté à une confession.
L’échange demande une grande honnêteté; il est facile de l’utiliser pour des fins dissimulatrices ou encore faussement sincères et peut même être la marque d’une personne malveillante.
Écoute
La valeur de l’écoute va bien au-delà de la simple fonction d’entendre. La plus grande difficulté de l’écoute est la formulation simultanée de jugements, d’analyses et de réponses ou réparties qui se préparent dans la tête de l’écouteur. Cette formulation est très souvent modelée, voir même contrainte inconsciemment par notre propre vécu, sous forme de préjugés, de préconceptions, de différences avec l’autre, mais aussi par la peur, le désir de contrôler, d’être en contrôle. On parle alors de barrières psychologique, de nature morales religieuses ou intellectuelles, qui entravent l’écoute réelle et empathique (empathie*). On parle aussi d’interférences en termes psychologiques.
Un exemple de non-écoute (mais ce n’est pas, encore une fois, un absolu!), est celui de la personne qui interrompt celle qui parle, une indication très probable que cette personne a arrêté d’écouter à un moment ou un autre (parfois n’a même rien écouté du tout).
Une vraie écoute attentive et profonde fait appel à la capacité humaine d’empathie*, opposée à celle du jugement.
Empathie
L’empathie consiste à écouter quelqu’un en partant de la perspective de cette personne (par exemple en essayant de se mettre dans la peau de cette personne). C’est une valeur fondamentale de l’écoute* attentive et profonde. L’empathie est une attitude d’écoute qui permet à la personne qui parle de trouver de nouvelles solutions à ses difficultés, en lui permettant d’avancer plus sereinement dans la voie du changement, par l’idée du partage et le sentiment réconfortant d’être comprise et réconfortée. L’empathie requiert une attitude d’acceptation*, et d’absence ou de refus de jugement de la part de la personne qui écoute.
Engagement
L’engagement est fondé sur le courage* de la persévérance et la promesse d’aller au bout de l’épreuve (l’expérience). Il s’agit d’un désir profond de se rendre responsable pour le succès ou l’échec d’une tentative, d’une recherche, d’une entreprise. Dans l’engagement vers la communauté, chacun se sent et se rend responsable du groupe. Chacun vit, absorbe et partage l’expérience commune de l’esprit de communauté.
Espoir
La philosophie du M.E.C., inspirée originalement de la F.C.E. et de Scott Peck, repose sur la croyance qu’il y a au plus profond de nous un grand besoin de paix. À cause des blessures, des rejets, subis dans nos relations passées, nous sommes effrayés par le risque de laisser tomber nos défenses. Méfiants, nous écartons la possibilité d’une authentique communauté comme étant un rêve utopique. Mais il existe des procédés par lesquels nous pouvons rétablir le contact et guérir les vieilles blessures. Le Mouvement vers l’esprit communautaire (M.E.C.) s’est donné comme mission d’enseigner ces procédés, de rendre cet espoir vivant et de faire en sorte que cette vision devienne manifeste dans un monde qui a presque oublié la grandeur et la gloire de ce que signifie être humain (tiré des documents de la mission du M.E.C., 2004). Je ne peux dire mieux.
Humilité
C’est l’opposé de l’orgueil. Par contre, ce sentiment ici ne prend pas la signification de subordination ou d’abaissement parfois associé avec ce terme. La vraie humilité se retrouve dans l’acceptation* des autres en tant qu’égaux dans l’humanité; c’est une source d’auto-évaluation par laquelle chacun prend sa juste place bien méritée dans l’humanité. Le respect de soi ainsi que des autres favorise l’humilité. Les actions décentes et intègres que nous prenons dans la vie proviennent le plus souvent de l’humilité. L’intégrité* est la source de l’humilité.
Inclusion
C’est la valeur la plus importante de l’esprit de communauté. Exclure signifie à la fois juger, condamner et exécuter la sentence tout à la fois. Comme il a été mentionné par Scott Peck, l’ambiguïté ici est que l’exclusion peut parfois être nécessaire pour le développement ultime de la communauté, au prix du sacrifice de l’intégrité totale du groupe. Seule l’acceptation* par consentement* des participants peut arriver à surmonter les conséquences de l’exclusion d’un membre de la communauté.
L’inclusion ne doit pas passer seulement par la tolérance*, mais bien aussi par la transcendance* des différences et l’acceptation* de l’originalité*.
Intégrité
L’intégrité est l’état de ce qui est sain, intact, de ce qui ne subit aucune altération, aucune atteinte au sens intellectuel, moral et spirituel; être intègre demande souvent une recherche durant toute une vie, d’où l’assertion : une vie non conscientisée ne vaut pas la peine d’être vécue. Le développement de l’esprit de communauté cherche à aider la restauration de l’intégrité des individus lorsqu’ils sont en groupe, en apportant les valeurs de confidentialité*, de vulnérabilité*, d’acceptation*, de tolérance* par le biais de la communication authentique.
Lâcher prise
Traduit de l’Anglais « to let go », littéralement laisser aller, il s’agit d’une expression corollaire à l’acceptation*. Lâcher prise peut vouloir dire laisser tomber de vieux préjugés, accepter les conséquences d’évènements sans résignation, mais avec la volonté d’en tirer parti avec courage. C’est un outil qui nous vient de nombreux groupes de support, donc les Alcooliques Anonymes. Lâcher prise est une autre façon de définir la valeur de l’acceptation*.
Originalité, unicité
Elle définit chaque être humain. Chaque personne sur terre est originale, unique au monde, différente de toutes les autres. Bien qu’apparemment évidente, en réalité cette valeur reste difficile à considérer intègrement pour beaucoup de gens. Le principe d’individualisme robuste mène vers l’individu qui a raison, qui sait, qui contrôle, parce que sa différence est la meilleure. Celui de l’individualisme adouci amène le doute constant, le scepticisme éclairé, l’acceptation* intègre, la tolérance* à l’ambiguïté et finalement, l’humanisme. La valeur qu’enseigne l’esprit de communauté est qu’il y a une richesse infinie dans l’originalité unique de chaque être humain.
Paix
C’est une valeur résultant de la vie en harmonie avec l’univers et chacune de ses composantes. Cette valeur fait partie de l’espoir. La paix passe par la communauté authentique, et non pas, comme une membre le fit un jour remarquer, par la paix à tout prix.
Dans son livre la Route de l’Espoir, Scott Peck inclut une partie importante, en guise de conclusion, qui traite de la paix et de son corollaire, le désarmement. Je n’ai pas élaboré ici ce sujet. Cependant, Scott Peck assimile le désarmement militaire au désarmement personnel auquel chacun doit faire face: croyances sans fondements, préjugés, préconceptions, intolérances, tendances diaboliques (voir aussi la citation de du penseur Krishnamurti, note 1 dans l'Avenir de la Société).
Présence
Le concept de présence auprès d’une personne est le fondement de l’accompagnement*. Cette présence est en principe, la plupart du temps, physique, mais seulement comme point de départ. En effet présence signifie aussi dans ce contexte être moralement, spirituellement et courageusement avec une autre personne, pour l’accueillir et l’accompagner. La présence peut souvent être silencieuse; l’écoute* attentive et l’empathie* sont aussi deux caractéristiques d’une vraie présence à l’autre.
Respect
Le respect doit toujours être à double sens : respect de soi, respect de l’autre. Respecter quelqu’un en communauté c’est : écouter* profondément, sans interrompre; accueillir une personne en évitant toute forme de jugement; accepter le silence de l’autre; accepter les différences et l’originalité* de l’autre; éviter de vouloir changer ou guérir l’autre ou encore éviter de tenter de régler les problèmes des autres. La forme la plus élevée de respect est atteinte quand une personne fait le vide et transcende les différences qu’elle perçoit autour d’elle, avec intégrité – avec intégrité car cette personne se doit le respect aussi.
Sacrifice
La valeur du sacrifice se retrouve dans la volonté de faire le vide, de transcender les différences, sacrifier ses propres besoins d’exercer un jugement, de tenter de guérir ou de convertir, de contrôler les autres ou même les évènements : en somme, de sacrifier son ego. Et ce sacrifice est douloureux. Le sacrifice est douloureux par ce que c’est une forme d’agonie qui est nécessaire pour le renouveau. La seule façon d’arriver à la Communauté passe par le sacrifice du vide et la révélation des blessures.
Silence
Le silence en communauté est une forme volontaire de communication. Il ne s’agit pas d’un silence obstiné, d’une fermeture d’esprit ou d’une retraite close en soi-même, cette dernière correspondant plutôt à une forme d’exclusion de soi-même de la communauté ou du groupe. Le silence doit être accueillant : il facilite le travail de faire le vide en soi. C’est aussi un outil de méditation, permettant d’accueillir et de réfléchir, voir même ressentir, les propos et émotions entendus dans le groupe. C’est la forme d’accompagnement dans la peine, la souffrance, la joie, bref dans les émotions. Le silence de la communauté est extraordinairement plein de communication et de grâce spirituelle.
Spiritualité
Il s’agit des valeurs personnelles et de l’approche que chacun met dans sa vie face à l’inconnu. En aucun cas la communauté ne repose uniquement et seulement sur une religion ou un dogme prédéfini : croyants, agnostiques ou athées, regroupés selon leur affiliation ou au contraire mélangés les uns aux autres, sont indifféremment capables d’esprit de communauté. La notion de spiritualité prend toute sa valeur dans le résultat d’être en communauté : elle naît de la conscience collective du groupe d’appartenir à un tout indissociable; elle permet à chacun d’être en harmonie et en communication sincère avec le groupe; elle unifie le groupe tout en rendant acceptable et même glorieux la reconnaissance des différences entre tous les participants.
Tolérance
C’est l’état d'esprit de quelqu'un ouvert à autrui et qui admet des manières de penser et d'agir différentes des siennes; c’est le point de départ requis pour la transcendance* des différences, mais ce n’est pas, en soit, exactement le résultat de la transcendance. D’ailleurs, un sens courant du terme tolérance* est : le fait de tolérer quelque chose, d'admettre avec une certaine passivité, avec condescendance parfois; ce sens n’est absolument pas celui de la valeur invoquée ici. La tolérance*, point de départ, est l’outil initial du doute, du scepticisme : je ne crois pas que ceci soit la vérité, mais en fait, se pourrait-il que ce le soit ? La tolérance* me permet de commencer le vide et éventuellement la transcendance* des différences. Sans ce point de départ, il n’y a que les compromis.
Transcendance
Cette valeur s’appuie sur une action, celle de faire le vide afin de pouvoir accepter les différences des autres par rapports à ses propres acquis culturels, intellectuels, émotionnels, moraux et spirituels. Le vide passe par la transcendance des barrières dont tous, nous nous dotons afin de survivre dans un monde fragmenté et superficiel. C’est le concept plus évocateur en Anglais de « Bracketing », de mettre entre parenthèses. Transcender est aussi une façon de faire un sacrifice : si ma croyance bien ancrée que la religion organisée est néfaste, une façon de la transcender serait de reconnaître que cette croyance est peut-être mal fondée, ou à tout le moins trop absolue. Ce constat exige que je sacrifie ma croyance tout en respectant mon intégrité* : bien que non religieux, et désirant le rester, j’accepte que d’autres puissent bénéficier d’une religion organisée. Au point de départ, je dois faire preuve de tolérance* face à la religion organisée.
Vulnérabilité (se rendre vulnérable)
La définition de ce terme attribue essentiellement un sens négatif de défaut : être vulnérable est associé à « qui peut être blessé », « qui peut être facilement atteint, attaqué »; ce n’est pas cette signification qui est retenue ici. Bien que le résultat de l’action de se rendre vulnérable puisse engendrer les conséquences énumérée ci-dessus, le sens qui est retenu dans un but de communication authentique est celui de l’ouverture complète de soi, humble mais véridique, courageuse et difficile. C’est accepter ses torts, révéler ses blessures passées et présentes, admettre ses préjudices et reconnaître honnêtement ses défauts et nos défaillances. Cette valeur ne peut être demandée et vécue que dans un environnement d’accueil, de respect, d’écoute sans jugement et de paix, un environnement de communauté; lors de la fin d’un atelier et en prévoyance du retour en société, il est important de réaliser que la vulnérabilité dans cette dernière peut être mal reçue, voire néfaste. C’est malheureusement encore largement le cas dans la société actuelle.
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