PARLER EN SON NOM
Il est remarquable de constater dans la société combien souvent sont utilisées les expressions commençant par « on », « les gens », « nous » ou encore « tu », « vous » : « On sait bien que le divorce est une mauvaise chose »; « Les gens ne sont pas d’accord avec cette politique »; « Nous sommes évidemment perturbés par cette nouvelle »; « Tu pourrais faire ta part en parlant de toi » ; « Vous ne comprenez pas ce que je dis ». Voici maintenant ces mêmes phrases, mais en utilisant la technique de parler en son nom: « Mon divorce a été une mauvaise expérience » ; « Je ne pense pas vraiment que les gens soient d’accord avec cette politique »; « Je suis évidemment perturbé par cette nouvelle »; « J’aimerais bien t’entendre parler de toi et comment tu te sens »; « Peut-être me suis-je mal exprimé » …
Une des indications courantes pour aider à la communication authentique est celle de parler à la première personne, en utilisant le « je »; cela consiste donc à parler personnellement, à partir de soi. En premier lieu, cette façon de faire démontre que je prends la responsabilité et l’originalité de ce que j’exprime. C’est aussi une manière de renforcer la prise d’espace que je réclame en mon nom quand je prends la parole en commençant par me nommer : « je suis Thierry ».
En deuxième lieu, il est plus difficile de critiquer directement quelqu’un en parlant en « je ». La pensée ou le sentiment énoncé est prise en charge le plus souvent par la personne qui s’exprime en « je », au lieu de la critique, du jugement, voire même de l’agression. Une affirmation en « nous » ou « on » implique souvent que tous sont d’accord avec l’énoncé exprimé, ce qui le plus souvent n’est pas vrai . Cela revient à dire que la personne qui généralise prend sur elle de parler au nom des autres sans en avoir leur permission.
Et finalement, je préfère entendre une personne parler d’elle-même, dans toute son originalité et sa différence, que d’entendre des généralités, des racontars, des rumeurs, des potins ou des lieux dit communs (platitudes), voir encore entendre casser du sucre sur le dos des autres! Ce qu’une personne a à dire sur elle-même me parait plus authentique (bien que ce puisse parfois ne pas être le cas) et plus intéressant.
L’indication de parler en « je » demande un exercice constant de recul sur soi-même, avant de prendre la parole. Le proverbe qui dit de tourner sa langue sept fois avant de parler me vient à l’esprit. Avant d’exprimer quelque chose, il peut être opportun que je me demande, est-ce vraiment moi? Ceci m’affecte-t-il moi-même? Si je ressens ceci de telle façon, peut-être est ce propre à moi seulement et non à tous les autres? Ce sont mes expériences, mes découvertes, mes constatations, mes observations et mes perceptions que je peux authentiquement exprimer, et non celles des autres.
Cette technique d’expression en « je » demande donc un certain recul, une certaine réflexion et parfois un certain temps d’attente jusqu’à ce que je sois mieux entraîné et que cela devienne une seconde nature de m’exprimer de cette façon. Cela peut sembler paradoxal face à l’autre indication de s’exprimer lorsque je suis « mû » à le faire par une poussée intérieure, et non par réflexe automatique de la conversation. Paradoxal puisque le « mû par une poussée » semble impliquer une certaine spontanéité à m’exprimer alors que la formulation en « je » peut demander un temps de réflexion. Ce qui est paradoxal n’est pas un problème et ne peut donc être résolu de façon classique (analyse, solution). Donc l’acceptation de ce paradoxe se réalisera dans l’attention que je dois lui porter. Je dois prêter attention à la fois à ma poussée intérieure à m’exprimer (sujet qui monte) et à la formulation (rationalisation ou expression du moi) dans cette poussée. C’est ainsi que bien souvent je fais face à des poussées intérieures (je suis mû) à dire quelques choses pour en fin de compte m’apercevoir qu’il ne s’agit pas vraiment d’une expression personnelle, mais plutôt d’une intellectualisation, d’un désir de participer à tout prix, un besoin d’espace de domination plutôt que d’espace vraiment personnel.
Retour aux exercices
Retour vers l'écoute profonde |
Suivant : LES STADES DU DÉVELOPPEMENT SPIRITUELS |